Innocent III, pape de 1198 à 1216, lance la croisade contre les Albigeois en 1209, redéfinit les principes fondamentaux de la foi chrétienne par le concile de Latran IV en 1215 qui réforme profondément l'Eglise.

Saint Dominique assiste à la destruction des  livres  hérétiques.

Léonard de Pise, dit Fibonacci  (ca1175-1240), diffuse en Occident la connaissance mathématique des Arabes :  "Livre des abaques" en 1202, la "Pratique de la géométrie" en 1220,  " Liber quadratorum" en  1225.

Le pape Innocent III voit en rêve la Basilique du Latran qui allait s'écrouler, c'est à dire le déclin de l'Eglise affaiblie par les hérésies, et un pauvre, le bienheureux François, la soutenant du dos pour l'empêcher de s'effondrer

François, en train de prêcher aux oiseaux, c'est surtout, au-delà de la poésie, le saint devant l'arbre de la construction du Royaume (Matthieu-13), la mission de reconstruction de l'Eglise que celle-ci lui assigne

 


Le contexte historique

La reconstruction du cloître se place à l'intérieur d'une époque charnière où confluent les grands événements et les courants de pensée qui vont construire "le beau XIIIème siècle" : affaiblissement de la spiritualité chrétienne fragilisée par les hérésies, les cathares en premier ; à partir de 1209, la croisade déclenchée contre eux, dénommés Albigeois ; Innocent III, le plus grand pape médiéval convoquant le plus grand concile de tout le Moyen Âge, Latran IV, en 1215, où 1200 prélats ont pris 70 décisions canoniques, le tout premier canon étant une proclamation renforcée de la foi catholique, une réaffirmation du "Credo", le second constituant une condamnation sans appel de la théorie déviante de Joachim de Flore, précisant que quiconque la professerait serait irrémédiablement considéré comme hérétique avec toutes les conséquences séculières que cela implique ; la division en chapitres de la Bible par Stephen Langton vers 1203-1205 ; le développement des ordres mendiants, Franciscains et Dominicains et l'exemplaire travail de reconstruction spirituelle conduit par François d'Assise ; le renouveau mathématique avec Léonard de Pise dit Fibonacci et l'introduction progressive en théologie de la philosophie d'Aristote qui, après avoir déjà façonné les esprits dans les facultés des Arts libéraux, permet une évolution sensible dans le domaine de la pensée, à savoir la scolastique fondée sur ses principes de clarification, mise en ordre, classement, hiérarchisation, dialectique et réflexion spéculative.

Dès le début du siècle, la connaissance profane réalise de sérieux progrès dans de nombreux domaines, ne serait-ce que le renouveau mathématique dû à Léonard de Pise, autrement dit Fibonacci qui, entre autres travaux importants, donna une consistance arithmétique au fameux nombre d’or, connu empiriquement depuis l’Antiquité et désormais livré sous la forme d’une suite qui porte son nom : 1 ; 2 ; 3 ; 5 ; 8 ; 13 ; 21 ; 34 ; 55 ; 89 ; 144 ….De plus en plus loin dans la suite, le quotient de la division d’un nombre par le précédent se rapproche de façon de plus en plus précise de la forme, aujourd’hui irrationnelle, du nombre d’or, 1, 6180339…Déjà, la fraction 21/13ème est égale à 1,615.

Remarquons que le nombre d’arcatures de la galerie orientale (celle du Vigneron) comporte 13 arcatures, lesquelles sont au nombre de 21 dans la galerie nord. Comme quoi, le rapport de la longueur à la largeur, ou 21/13ème , montre que, si le cloître apparaît aux visiteurs aussi agréable et harmonieux, c’est aussi qu’il est construit en fonction du nombre de l’harmonie universelle.

Répondant à une problématique ancienne de réconcilier deux notions inconciliables, la foi, par définition inexplicable pour le croyant puisqu’elle procède de la Grâce divine et la Raison qui cherche à expliquer comment celle-ci s’articule avec les textes sacrés, le 13ème siècle réalise une véritable synthèse entre la théologie traditionnelle augustinienne et ce nouvel esprit, la scolastique, fondé sur la démarche aristotélicienne. C’est en particulier le cas de grands théologiens, tels saint Bonaventure Cliquez pour voir l'image de Saint-Bonaventure (1217-1274), saint Albert le Grand (1193-1280) et surtout saint Thomas d’Aquin Saint Thomas d'Aquin : cliquez pour voir image (1225-1274) dans sa Somme théologique. Cependant, la dynamique était en mouvement depuis beaucoup plus longtemps, ce serait-ce que chez saint Anselme de Cantorbéry (ca1033-1109) au travers du célèbre adage qui résume son œuvre Fides quaerens intellectum (la foi à la recherche de la compréhension).

On soulignera justement une étonnante filiation intellectuelle, en plusieurs générations, de Lanfranc (ca1005-1089) à saint Anselme, son élève puis abbé du Bec-Hellouin où entrait un peu plus tard Robert de Torigny, prestigieux abbé du Mont de 1154 à1186, qui, à son tour, fut vraisemblablement le maître de Raoul des Isles (1212-1228), promoteur de la reconstruction de notre cloître.

Ainsi, l'on comprend mieux comment, grâce à la polysémie d'un même écoinçon, grâce à des renvois diversement numérotés dans les Écritures, grâce à la typologie qui établit des passerelles permanentes entre Ancien et Nouveau Testaments, le cloître constitue un véritable instrument de pédagogie spirituelle qui devait permettre au moine, tout au long d'une vie de conversion, d'élargir par la ruminatio ses connaissances contenues dans les manuscrits du scriptorium inférieur, afin d'accéder à une compréhension toujours plus approfondie de l'Écriture et de s'élever ainsi vers une consolidation encore plus affermie de sa foi, épanouie dans le cloître supérieur, réalisant ainsi l'essentiel de la formule augustinienne de l'Intellige ut credas.

Reconstruit jusqu'en 1228, le cloître du Mont-Saint-Michel se trouve ainsi être un étonnant instrument de recherche et de conversion, le parfait miroir de son époque, la réconciliation de la Foi (le Credo) et de la Raison (la réflexion spéculative, les références bibliques, les corrélats typologiques, les constructions numériques et géométriques…), la fusion entre les progrès scientifiques de son époque (le nombre d'or) et l’élévation spirituelle de son temps, le juste équilibre entre la nature et la Grâce, entre le génie et la sainteté.

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